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 [Fan Fiction Kenamia] Kikusam

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PostSubject: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptySun 28 Oct - 20:38

Synopsis : Dans un monde, autrefois paisible, c'est la menace d'une guerre programmée qui s'annonce ; entre les Kadams, quadrupèdes aux pattes élégantes, et les Kantroms, bipèdes aux pattes agiles. Les quatre dieux des élements ont aujourd'hui tracé la destinée de chacun des pions sur ce grand échiquier. Et chacun a également choisi son atout ... Mais lesquels ?




Prologue

La grande plaine était déserte. Seul le bruit du vent entre les hautes herbes résonnait au loin, espacé par les grandes touffes de terre brûlées qui se dessinait distinctement sur le sol. Dans ce ciel de crépon, d’une couleur abyssal, à peine découpé entre les grandes étoiles de bronze, se reflétaient les formes arrondies de quatre grandes lunes. L’une, en forme de croissant avec son ombre couleur de beurre, semblait coïncider avec la seconde, ressemblant à un grand œuf ovale de ses couleurs jaunâtres.

Une ombre se déplaçait silencieusement entre les herbes, laissant traîner sa longue queue ardente derrière lui. Ses larges empreintes, dessinées par de petites étincelles enflammées en grand cercle, laissait derrière son passage des herbes brûlées, un sol craquelé par la puissance de son appui. A chacune de ses respirations bruyantes, un filet de fumée s’échappait de ses naseaux ouverts, s’évaporant vers le ciel en prenant des formes étranges, comme des grelots qui émettaient un son harmonieux en se dissipant derrière l’une de ses lunes en or. Il arriva devant un vieux temple, couvert par les lierres et les plantes grimpantes, signe de l’âge.

Devant lui, une grande statue de marbre ; dans le roc se dessinaient les formes de ce qui semblait être un grand loup, brandissant dans ses crocs un grand globe ; une moitié était, semble – t – il, le morceau d’une grande perle des sources, tandis que l’autre morceau n’était qu’un bloc d’argile, abîmé par le temps. Il se tenait dans une posture majestueuse, la patte levée, les crocs et les griffes marquées, les oreilles dressées et la queue droite. L’autre animal s’inclina devant cette espèce de gardien. La statue se mit soudainement à trembler, quittant sa posture impériale.


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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptySun 28 Oct - 20:39

Chapitre 1

Le bois, à la nuit tombée, semblait sortir d’un décor de film. La Grande Lune, de sa teinte orangée dessinant son cercle, éclairait les grands arbustes, les branchages pesant de fruits ; leur donnant des ombres aux formes étranges et bizarres. Au moindre vent, les ruches des abeilles se balançaient violemment, laissant parfois écouler un filet de miel frais. Dans le petit sentier, tracé par les siècles de végétation, s’avançaient en bavardant un petit groupe de Kenam. Certains ressemblaient à des loups, avec un long museau terminé par de grands naseaux fumants, marchant sur leurs quatre pattes terminées par d’imposantes griffes de fer ; d’autres se dressaient fièrement sur leurs pattes postérieures, tenant dans leurs pattes habiles à cinq doigts des oranges d’un noir charbon ou des grains de raisins bleus roulés sur un cœur de melon jaune.

Ils bavardaient joyeusement sur le chemin, mangeant de délicieux fruits d’ici. Des Kaisim, sur leur cœur de melon collant, des grains noirs de Kriem au goût d’orange salée. L’aîné, sur ses pattes postérieures, tenait dans une perle une petite flamme qui faisait office de bougeoir, éclairant leur chemin en repoussant les quelques lézards nocturnes qui s’aventuraient, cherchant leur proie dans cette totale obscurité. Chacun se remémorait les vieilles légendes qu’un vieux sage, appuyé sur sa vieille canne d’ébène, leur racontait dès le crépuscule jusqu’à la nuit, où il était temps de rentrer chez soi.

« Jadis, sortis de l’imagination d’enfant, naquirent Kowam et Kybom. Kowam était d’un rouge étincelant, brillant comme des flammes, sa crinière d’une couleur herbe prune hérissée sur tout son dos, et marchait gracieusement sur ses quatre pattes, munies de griffes acérées. Kybom, lui, avait un pelage bleu abyssal, couvert de tâches perlines, avec une petite paire d’ailes sur sa queue touffue, marchant avec élégance sur ses pattes postérieures, sans aucune griffe, mais munies de doigts d’habile homme. Chacun se façonna ses pouvoirs : le feu, la terre, l’eau et l’air. Ils partirent ensuite vers une terre vierge et la construire.

Par les pouvoirs de Kowam jaillirent les forêts et les volcans, et par ceux de Kybom naquirent les rivières et le ciel. Tout ressemblait à un immense carré ; d’un côté les éléments de Kowam, de l’autre ceux de Kybom. Restait une petite plaine herbeuse, où les deux bâtirent un grand temple divisé en deux. D’un côté, la statue et les lieux de Kowam. De l’autre, face au territoire marin, les quartiers et la statue de Kybom. C’est alors que naquirent les quatre lunes qui trônent sur notre île. Chacune convergeait sur un cycle sa lumière sur le temple, chacune pour chaque élément des maîtres du lieu.

C’est alors que Kowam se disputa avec son frère, pour se partager une perle qui devait être l’empreinte de ce qui est aujourd’hui Kenamia. Kybom décida de la briser ; chacun gagna une moitié de la précieuse boule de verre, et confectionna son autre face dans une terre d’argile. Elle devint ensuite, pour chacun, l’ordre du temple. Chacun, fâché, voulut retourner dans son néant qui lui était propre. Mais avant, ils créèrent l’espèce des Kenam. Les premiers furent façonnés par les éléments de Kowam ; naquirent ainsi le Kefirem, maître du feu, et le Kearthem, gardien de la terre. Kybom créa aussi sa représentation ; et ainsi vinrent le Kewatem, maître des eaux, et le Keairam, empreinte de l’air. Ceux nés de Kowam marchaient sur leurs quatre pattes griffues, et ceux nés de Kybom se déplaçaient sur leurs pattes postérieures, avec leurs doigts habiles. C’est alors que les deux dieux leur dirent ceci :

- Vous êtes à présent les dieux des éléments de Kenamia. Utilisez votre mortalité pour vivre parmi les autres, et respectez bien votre peuple. Bâtissez – vous un temple pour chacun sur votre terre et réclamez vos offrandes. Mais n’utilisez pas votre force naissante pour blesser les autres créatures de votre espèce.

Kowam donna le nom de Kadam aux deux marchant assis. Kybom donna le nom de Kantrom aux deux marchant debout. Ils partirent ensuite vers la voûte dans le ciel, laissant place à un radieux soleil. L’obscurité des premiers jours de Kenamia laissa place à une belle lumière vive. Les quatre lunes se dissipèrent dans ce nuage. Ceux qui ont été nommés les dieux des éléments se dissocièrent sans un regard pour leurs frères d’âme. Le feu se nomma Kaem. La terre se nomma Karem. L’eau se nomma Khom, et l’air se nomma Kairm. Chacun bâti son territoire et son temple. »

Cela fait trois siècles, peut – être plus, que cette légende naquit dans les premières tribus de Kenam. Et si certains, comme les jeunes enfants par exemple, préféraient mettre une trêve à ces chamailleries d’antan, d’autres attendaient avec impatience d’arriver derrière leur dieu et d’abattre l’espèce ennemie. Chaque peuple juge les autres inutiles à la civilisation naissante des Kenams. Elle a naquit, elle fleurit, et elle va mourir ...

Le petit groupe arriva à la sortie du bois, où le sentier se mêlait avec le sable fin de la plage. L’aube commençait à pointer le bout de son nez derrière la mer, et chacun accéléra son allure pour arriver avant le matin à son nid. Les enfants se séparèrent donc après un dernier au revoir en coups de museau. Chacun partit donc de son côté ; vers la savane, vers la plage, vers la rivière ou s’envolait d’un geste gracieux vers les nuages, ce domaine aérien et mystérieux, seul inaccessible des terres.

Kuiem était une petite Kantrom des eaux, une jeune Kewatem à l’allure terne et fatiguée. Elle serrait entre ses pattes son collier, un magnifique morceau de cuir aux couleurs d’abysse, dernier souvenir d’une famille. C’est sur ce joyau que l’on rejette sa perpétuelle malchance ; Kuiem attirait le mauvais œil sur elle et sur son entourage, ce qui ne lui donne aucun ami fidèle et amical envers elle ; les autres garnements qu’elle croisait au clair de lune et qui partageait un fruit en sa compagnie n’étaient, pour elle, que des connaissances. Pour passer vers son coin de plage isolé, au cœur des eaux du territoire Kantrom, elle devait passer par le bout de terre qui appartenait aux Kefirem ; la division du bord de mer n’était qu’un pas de plus de Kaem dans sa guerre, du moins c’est ce qu’elle pensait sans réflexion.

Elle avançait à pas prudent au cœur du remous des sables, produit par l’écume que portaient les vagues et par le vent violent, serrant de plus en plus son collier d’héritage, le cœur tremblant. Elle craignait à chaque instant que le maître des lieux vienne la chasser sans considération et sans excuses. Elle n’avait peur de rien, sauf d’une seule chose ; la guerre entre les clans, qui déchirait un peu plus les peuples chaque jour. Au – dessus de sa tête, la Grande Lune semblait la fixer d’un air menaçait, malgré qu’elle soit couverte par les premières brumes de l’aube. C’est alors qu’une tâche traversa son champ de vision.

...

C’était un Kenam, un Kadam sans doute à la vue de ses grandes griffes de fer qui avait raclé le sable chaud sur ses pas. Mais quelque chose disait à Kuiem que ce n’était pas qu’un simple animal que l’envie de guerre ou de paix dominait dans son esprit flou. Il fixait les vagues de son regard d’ambre, le museau déformé vers le ciel et les pattes profondément ancrées dans ce sable blanc. Mais ce qui avait attiré l’œil de la bipède, c’était bien son allure ; le pelage abondamment maculé de sang qui coulait au sol sans retenue, et devinant parfois entre deux mouvements d’une respiration rauque une parure mauve, dessinée par des poils blancs qu’on ne pouvait pas, à cette heure, deviner le dessin.

Kuiem, cachée derrière une grande coquille de mollusque, le regardait avec quelque sentiment mêlé dans la gorge. Elle ne savait pas vraiment si elle devait le craindre de ses longs crocs et surtout de son espèce, ou si elle devait le plaindre, alors qu’il semblait fixer avec mélancolie – et un peu de souffrance, le flux et le reflux des vagues, laissant le sang couleur avec abondance sur sa poitrine. C’est à un seul mouvement des oreilles touffues de l’inconnu qu’elle se savait repérer, et s’enfuit.

Mais malgré ses pattes musclées, ce n’était qu’une Kantrom, avec des pattes avant habiles pour tenir des fruits et les découper mais pas assez pour se pousser dans sa course. Comble de malchance, elle trébucha, sentant sa patte émettre une terrible douleur. Elle gémit, n’osant pas rouvrir les yeux et préférant encore attendre le lever du jour. Son appel désespéré finira bien par aboutir à l’oreille de quelque Kantrom attentionné ; et même si tous connaissait sa malchance, personne n’avait pas assez de cœur pour laisser mourir là une membre de votre propre espère. C’est alors que Kuiem sentit quelque chose appuyer violemment sur sa poitrine. Elle osa ouvrir un regard.

Le Kadam était là, posant la patte sur le torse de la Kantrom qui n’osa pas retenir un souffle. Elle ne devinait dans ses yeux aucun sentiment ; ni de haine, ni de pitié, juste un regard blanc qui la fixait désespérément. Il posa son museau contre son cou battant, et Kuiem craignait son heure venue. Sa respiration s’accéléra trop vite pour qu’elle puisse entendre autre chose que les battements plaintifs de son cœur, coincé dans sa cage. Elle tomba inconsciente.

...

Lorsque Kuiem rouvrit les yeux, c’était fini. L’aube s’était déjà levée et le ciel commençait déjà à prendre sa couleur bleue. La Grande Lune s’était déjà dissipée, de même que les étoiles de papier d’argent. Elle se releva avec peine, sentant encore la douleur que lui causait sa patte blessée. Autour d’elle, il n’y avait que les crabes qui se réveillaient de sous le sable et se dirigeaient d’une démarche titubante vers les eaux.

C’est alors qu’elle repensa au Kadam. Pourquoi, alors qu’elle ne pouvait faire aucun geste ne lui servant de salut, il ne l’avait pas achevé ? Pour elle, tout Kantrom pénétrant les terres de quelque ennemi devait se battre, vaincre ou mourir. Elle serra entre ses pattes très fort son collier ; elle s’assura encore de sa présence et soupira, soulagée. Elle se remit sur ses pattes et, boitillant de sa jambe invalide, elle reprit sa marche vers son domaine à elle.
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptySun 28 Oct - 20:39

Chapitre 2

Un matin on ne peut plus ordinaire sur Kenamia. Derrière la fausse voûte nuageuse qui formait l’infranchissable territoire des Keairam, Kalom se leva d’un bâillement, s’étirant de tout son long en faisant battre violemment ses ailes encore endolories par la nuit. Il aimait le confort des nuages, qui semblaient moelleux comme du coton et répandant parfois une douce odeur sucrée. Lui croyait que la pluie était une poudre sucrée qui se collait à la brume, pour déposer plus bas de l’eau au goût presque salée sur la langue. Mais personne n’osa mordre dans un de ses nuages, même pas lui, qui aimait pourtant fourrer sa truffe dedans comme des petits Kadam dans un buisson de mousses.

Kalom n’était qu’un orphelin de plus. Dans cette ère où les plus jeunes vivaient avec angoisse la peur de la guerre, il n’était pas rare que des Keairam, à l’œuf fragilisé, apparaissent avec des défauts, des malformations qui étaient jugés par leurs parents un handicap ; et pour cette guerre qui engage tout le monde, il n’était pas acceptable d’avoir des faibles. Si certains, simplement abandonnés sur un coin de ciel, continuaient de forger leur existence à eux, d’autres n’avaient pas le temps de voir le soleil se lever. Mais Kalom était persuadé d’avoir une mère, et il pensait être le digne enfant de Kairm, la déesse céleste ; bien sûr, personne ne crut à son rêve, et on le laissa mener sa vie dans son coin sans se préoccuper plus de lui.

...

Aujourd’hui naquit de son œuf un petit Keairam, adorable, avec ses petites pattes collées contre ses yeux fragiles, et qui hurlait à gorge déployée une petite caresse, une léchouille de sa mère pour se débarrasser de cette membrane collante qui lui restait sur le poil. Son père, un fier Kantrom aux ailes noires comme du charbon et au corps zébré, le secoua dans tous les sens et le reniflant de ses grands naseaux fumants. Le petit avait perdu sa queue ; son œuf, sans soin, s’était fissurée là où son corps encore blanc formait sa longue queue ; et gisait dans sa coquille une touffe de poil qui remuait faiblement, portant deux petites ailes d’une couleur crème. Le Keairam donna un coup de patte violent contre son fils, qui alla rouler avec des gémissements plaintifs vers sa mère. Son regard exprimait clairement ses intentions.

« Un Keairam sans ailes déshonore le mérite de notre espèce. Sa vie en sera écourtée. »

La mère se résigna à la situation avec grande peine, ne voulant pas céder à son instinct maternel. Elle lécha affectueusement le petit, pour lui donner confiance, tandis qu’il cessait petit à petit ses peureux tremblotements. Le père, entre ses crocs acérés, saisit le corps de l’enfant et descendit de la voûte ; déployant ses larges ailes, tel un papillon, sans se préoccuper des vents et des marées, ni même de la plainte qu’exprimait à nouveau le rejeton. Il s’était rapproché avec quelque peu de mal de la plage Kewatem. D’un geste délicat, il ouvrit les crocs, d’où le petit s’échappa sans aucune résistance, ne poussant que des cris plaintifs.

Il ne sentit que sa mâchoire cogner un objet dur, un rocher sans doute, et il se surprit à pousser un cri suraigu. Mais ce fut tout. Il ne restait là qu’un petit corps ensanglanté, inconscient, qui semblait attendre avec paix sa mort inévitable. Le Keairam rayé remonta dans la voûte céleste sans se soucier plus de ce qui représentait pour lui une vulgaire proie pour les vautours. L’injuste fatalité de la guerre avait fait son œuvre.

...

Kalom arpentait les cieux, joyeusement, sifflotant sans doute quelque comptine entre les nuages, battant largement de ses quatre ailes. L’existence lui avait donné ses défauts comme ses qualités ; en plus d’une paire de plumes sur son dos, il avait aussi ses ornements sur la queue. Mais elles étaient très démunies, et l’on voyait presque se dessiner entre le plumage grisâtre l’ossement de la chose. Cela ne dérangeait en aucune façon le Kantrom qui parcourait les cieux à la façon d’un ballon oublié, en rebondissant sur des nuages de chamallows, tout mous. Il n’offrait aucune résistance aux vents violents qui se bousculaient contre ses ailes.

...

Un calme après - midi d'automne. La marée s'essoufflait contre les rochers, laissant là quelque étoile de mer arrachée à son îlot et son écume, emportant les algues et les coquillages au loin. Les palmiers sifflaient avec le vent, et on aurait cru là quelque discussion de la nature. Le soleil brillait au loin, dardant sur l'eau ses quelques rayons couleur de bronze, laissant là un arc - en - ciel semblant sortir des vagues. Sur le sable chaud, le Kadam continuait lentement sa marche majestueuse. Son pelage rougeoyant, marqué par des traces de poils noirs comme du charbon, se dessinait distinctement dans la lumière solaire qui éclairait les lieux dans sa grande générosité. Il détourna son regard vers quelque chose qui l’attira dans ce décor, quelque chose d’inhabituelle ; une grande tâche sombre posée sur les racines d’un de ses palmiers tropicaux. Il approcha avec méfiance son regard.

Il se dessina plus distinctement un Kadam, à la fourrure d’un mauve sombre parcouru par quelques tracés de pelage blanc d’œuf. L’animal rouge, bien qu’ayant ce sentiment de déjà vu à son égard, ne se soucia pas plus de la présence de l’étranger ; de plus, il n’avait aucune raison de le chasser. Il reprit donc sa paisible marche contre les marées, laissant l’écume se transformer en fine vapeur contre ses grandes griffes de fer. L’autre, finalement, accorda quelques secondes au Kadam au pelage ardent, ne lui adressant qu’un regard vide et neutre. Pour toute considération, il secoua violemment les naseaux en chassant le sable. Cette ignorance ne fut pas au goût de l’autre, qui poussa un grondement furieux.

D’un geste inattendu, une colonne de flammes vint s’aligner contre le corps du Kenam roux, évaporant les vagues imprudentes qui continuaient comme au quotidien leur flux. On pouvait vaguement distinguer les flammes danser autour du corps, calme et serein, en faisant apparaître des ombres bizarres, où l’on pouvait parfois distinguer la forme d’une gueule béante. Cette chose s’échappa finalement du cercle de flammes, laissant apparaître un loup aux griffes de marbre, dessinant des cercles de sable brûlé sous ses coussins, une longue queue en flammes, les naseaux fumants et les crocs tendus. Il lança un dernier hurlement pour faire disparaître le feu ardent dans un vent violent.

Kaem se dressait là, dans toute sa posture majestueuse, fixant le Kadam d’un air de défi.

L’autre, à la grande surprise du dieu, ne lui accorda pas plus d’importance de son rang. Il se contenta de pousser un grognement plaintif, cessant lentement de remuer sa longue queue touffue. C’en fût trop pour Kaem, qui dans un hurlement perçant, fit jaillir sous ses pattes un immense cercle de flammes. Rien aux alentour de sa queue battante n’avait résisté à l’intimidation de ce titan, qui ne résista pas à sortir les crocs, d’un regard méprisant. Et pourtant, intérieurement, ce Kadam qu’il considérait arrogant plût au dieu.

« Quel est ton nom ? »

La voix avait résonné dans l’air, semblant sortir du sol même. Pour toute réponse, le Kadam secoua la tête violemment, sans aucune autre expression. Le dieu, tout colère, sauta sur l’imprudent, laissant sur le sable les traces carbonisées de ses puissantes pattes. Mais, avant que Kaem ne put comprendre ce qui s’était passé, il était sur le dos, les quatre pattes en l’air ; et sur son torse, l’imposante patte griffue du Kadam qui le tenait en respect. Comme signe de mécontentement, le dieu poussa un grognement puissant.

Bien sûr, Kaem ne crut pas un seul instant que ce simple Kadam, imprudent, insolent, arrogant et moqueur à l’égard des dieux de cette terre sacrée ; Kaem ne pouvait pas penser à l’idée qu’il avait été mis en échec par le Kadam, qui le regardait à présent de toute sa hauteur, le souffle rauque, lui posant un regard vide et sans intérêt. Mais aucune patte, aussi puissante soit sa prise, ne pouvait mettre plus bas que soi un dieu Kenam, un descendant direct du règne de Kowam ! Persuadé de cette bonne parole, Kaem attendait patiemment le coup de patte faible qui aillait lui saisir les côtes.

« ... Kohakum. »

...

Kaem se releva en titubant légèrement de sa violente chute. Il n’avait pas vraiment compris ce qui s’était passé, mais il ne se soucia pas plus de cet incident ; qui, pour lui, n’était qu’un signe avant – coureur d’une nouvelle guerre ; une guerre qui devrait opposer tous les clans de Kenam, s’il honorait un autre dieu que celui qu’il était. Il fixa le nord d’un regard noir ; au loin, le dénommé Kohakum s’éloignait d’une marche maladroite et traînante, sans se préoccuper plus des états du dieu.
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptySun 28 Oct - 20:40

Chapitre 3

La savane, bien qu’elle soit située du côté nordique de Kenamia, ne laissait pas paraître un seul vent frais. Une atmosphère lourde régnait sur ce petit coin d’herbe jaunie, et les épis de blé sur les quelques touffes de verdure vivace semblaient plantés dans le sol comme de simples piquets de bois. A ses heures perdues, Kem aimait bien s’installer sur cette terre isolée pour trouver le calme et le repos, ou simplement pour y faire une petite sieste entre deux pêches bredouilles.

Kem ne semblait être qu’un jeune Kadam parmi tant d’autres, avec un trop plein de vitalité, son pelage noir, légèrement grisonnant au bout de ses oreilles et sur son poitrail touffu, marqué par un tracé de poils roux en tête de mort ; un collier clouté sur son imposante patte antérieure gauche, des griffes aiguisés couleur sanguine et deux petits crocs sortant de sa lèvre. Et pourtant, il n’avait pas cette ressemblance qui le liait à tout Kenam bien constitué. Mais ceci est une autre histoire. Kem, confortablement couché sur l’herbe jaunie, poussa un bâillement de corneilles.

...

Kalom survolait à présent la vaste savane. Les vents forts et violents l’avaient poussé dans cette contrée reculée qu’il n’aimait guère. La chaleur et l’atmosphère du lieu rendaient son vol lourd et difficile ; de plus, ses ailes ne tardèrent pas à lui faire défaut et ne purent battre que de façon désespérée. Le Kantrom, d’un geste lent, produisaient des mouvements de pattes quelque peu maladroit pour reprendre son envol. Peine perdue, il alla se poser lourdement sur le sol.

Avec une patte tremblotante, Kalom se releva d’une démarche titubante. Il sentit une vive douleur dans son dos ; ses ailes n’avaient pas résisté au choc, et l’une s’était déformée au rude contact du sol. Le petit, sur sa maladroite expérience, y avait laissé des plumes. Le Kantrom secoua vivement ses oreilles, s’assurant des dangers alentour, tentant de percevoir la moindre vibration du vent contre le blé. Mais rien ne trahit quelconque présence. Il se décidât donc à tenter de reprendre son vol. Peine perdue ; malgré tous ses efforts, son aile blessée lui procurait trop de mal pour lui permettre de battre. Il s’affala donc contre le sol, en poussant quelques gémissements désespérés, souhaitant de tout son être que sa mère lui réponde. Kairm.

...

Kem n’avait pas apprécié d’être dérangé dans son sommeil. Si les Kefirem était de petits coureurs, ils avaient une ouïe assez sensible et un odorat plutôt fin ; il avait donc senti l’odeur d’un inconnu et son cri de désespoir, parcouru de quelques reniflements douloureux. Il s’était déjà dirigé vers les petits champs de blé, d’un pas endolori par son court sommeil, et tomba museau à museau avec un jeune Keairam au pelage d’un bleu de ciel. Celui – ci le fixa avec de grands yeux mouillés et béants. Pour lui, il semblait que Kem était un extraterrestre descendu de son vaisseau.

Kalom restait consterné à la vue de Kem, à la portée de ces naseaux, qui le fixait avec de grands yeux ébahis. Le Kantrom ne s’attendait pas à une présence dans ce coin de savane reculé, et un Kadam qui plus est. Finalement, celui – ci recula dans un grognement, visiblement méfiant à l’égard de ce qu’il considérait comme un intrus, laissant paraître une paire de crocs aiguisés. Kalom avança prudemment sur ses pattes vers Kem, qui manifestait ouvertement son mécontentement sur quelques grognements.

« ... Bonjour. »

Le Keairam lança un petit sourire timide au Kadam. Pourtant, celui – ci n’en prit pas compte et éleva le ton sur de vifs grondements saccadés, hérissant le poil à la manière d’un lion, accrochant ses griffes contre le sol sec de la savane ; et, à plusieurs reprises, secouant la tête violemment comme pour se débarrasser d’une pensée qui le dérangeait. Kalom semblait plutôt perturbé par le comportement de Kem. Il balança la tête de droite à gauche, manifestant sa présence presque oubliée.

« Bonjour ? »

Kalom tenta un petit signe de la patte. Kem, d’un geste violent, sauta d’un bond sur le malheureux Keairam, tenant ses ailes en étau entre ses canines. Le jeune animal au pelage bleu sentait bien qu’il ne s’agissait plus du Kadam curieux qui avait croisé son museau il y a un temps à présent.

Le pelage de Kem avait pris une teinte rougeâtre, à peine marquée par quelques traces de poils sombres sur ses pattes et son poitrail touffu. Son regard semblait empreint de haine, de ses deux yeux rouge sang sans la marque de sa pupille ; ses longs crocs semblaient se métalliser lorsqu’il serrait avec délicatesse sa prise sur l’ossement fragile des ailes de Kalom ; tandis que ses griffes, plongées dans le sol, avaient pris une teinte cuivrée. Malgré les débattements désespérés du Keairam pour se dégager, l’étau contre ses ailes se faisait à chaque mouvement plus violent, et il sentit bientôt ses forces le quitter. Derrière un fourré, un Kenam regardait la scène, attendant le moment propice.

Kalom sentit à peine le moment où Kem lâcha sa prise. Affalé sur le sol, les ailes brisées et presque dénudées de leur plumage bleuâtre, il avait à peine assez de force pour garder les yeux ouverts. Le Kadam avait pris du recul, faisant claquer ses griffes contre le sol, la gueule pleine de sang qui dégoulinait sur les mauvaises herbes. Son seul plaisir, à présent, était de sauter sur sa victime presque inconsciente d’un seul bond et de lui arracher la chair pièce par pièce. Il bondit. Kalom l’avait entendu. Un seul mouvement de tête le plongea dans l’inconscience, tandis que son esprit attendait presque sereinement.

...

Quelques secondes avaient passé seulement ; mais Kalom, qui tenta de se relever avec toutes les peines du monde, avait l’impression qu’il s’agissait d’une éternité et qu’il revenait d’une descente aux enfers. Il regarda autour de lui, revenant à son esprit la pensée de ce Kadam furieux. Et son regard croisa celui de deux combattants, qui se battaient chacun avec une haine qui lui était propre. Kem, de son regard vide qui n’exprimait que haine et fureur, tentait de poser ses griffes contre les côtes de l’autre Kadam ; celui – ci, avec son pelage mauve marqué de runes, ne rappelait rien à Kalom, et il se surprit à souhaiter sa victoire.

Kohakum avait surgi de nulle part, face à l’élan de l’autre Kadam et prenant le coup à la place du Keairam. Kem, dans sa hargne, sembla oublier totalement la présence inconsciente de sa victime pour mettre tous ses efforts contre le mystérieux Kenam. Finalement, il réussit à poser ses griffes contre son adversaire, qui se renversa sur le côté. Kohakum fit de même, calant ses pattes arrière sous celles de Kem, qui se dérobèrent dans l’air. Il passa quelques secondes silencieuses où les deux adversaires se croisèrent du regard. Kalom n’osa pas prononcer un mot, se contentant de regarder le combat, dans un silence perturbé de quelques rauques. Kem n’avait que de la fureur dans son regard et continuait ses grondements furieux, agitant frénétiquement la queue et laissant un mince filet de bave couler entre ses crocs ; Kohakum se contentait de lui répondre d’une façon tout à fait indifférente.

Finalement, la prise se détendit. Kem n’avait pas pris conscience de sa position, se contentant de s’agripper plus fort encore dans la chair de son adversaire, lui laissant là les marques de ses griffes. Kohakum, d’un coup violent sur ses pattes postérieures et le rejetant par ses antérieures, le délogea de cette position. Le Kefirem alla se cogner violemment sur le tronc rude d’un baobab et s’affala entre ses racines, ne donnant pour seul signe de vie un frénétique mouvement de pattes. Kohakum reprit son souffle et tourna le dos à Kalom, comme si cette affaire n’était qu’une banalité, de sa marche boiteuse.

« Dis ... »

Kohakum s’arrêta. Sans poser un seul regard à celui qui lui avait adressé la parole. Kalom, sur ses maigres pattes et ses ailes brisées, manifesta quelques instants sa peur en frémissant de tout son corps, les petites plumes sur sa queue émettant un son de grelot en tapant sur le sol. Mais il ne tenait pas à laisser sa peur le dominer. Pas maintenant.

« Tu n’as pas ... quelque chose à me dire ? »

Kalom tremblait à présent de tout son corps. Il s’assit maladroitement, la queue entre les pattes, guettant une réponse du Kadam. Celui – ci lui posa quelques instants un regard froid sur le Keairam, quelque peu perturbé par l’intérêt qu’on lui portait. Finalement, il poussa un faible soupir.

« Je n’ai qu’une seule raison pour t’épargner. Prouve – moi que tes dieux sont bons. »

Kalom restait là, les pattes croisées, fixant le Kadam avec intérêt et visiblement consterné par ses propos. Kohakum ne lui laissa qu’un petit sourire forcé et se retournant, reprenant sa marche. En quelques mouvements de pattes, il avait disparu au regard du Keairam qui resta là, bêtement assis sur son arrière – train, balançant la tête de droite à gauche. Du haut d’un baobab, camouflé dans le fin duvet de feuilles, un Kantrom avait regardé la scène avec patience. Il se lissa les moustaches à la façon d’une mangouste, visiblement satisfait.

« Bon. Il est temps que j’intervienne. »
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptyWed 31 Oct - 20:32

Chapitre 4

La plaine était d’une tranquillité apaisée. Les herbes hautes et les vivaces s’entremêlaient avec les brises dans de grands nœuds, semblables à des bouquets de printemps, au milieu des champignons et des fleurs printanières qui s’ouvraient délicatement aux premiers rayons de l’aube. Le petit coin de verdure n’était traversé que par un vieux temple, confondu par une masse de lierres qui s’enroulaient sans aucune loi autour des pierres d’argile. Les grandes fissures et les entrées étaient dissimulées par le lichen et les mauvaises herbes.

D’un pas assuré, le grand loup s’avançait dans la plaine, laissant derrière lui les traces de ses pattes marquées profondément par le sol brûlé et les herbes abattues. Il semblait presque que les quelques cerisiers qui s’alignaient dans la plaine s’écartaient à leur passage, étirant leur tronc en un arc touchant le ciel. Kaem tentait bien de chasser de son regard une perturbation qui hantait son esprit. Face au temple, il lança un appel puissant, un cri aigu et perçant qui traversa l’air. En réponse, un cri semblable lui répond, plus sage et plus grave.

La grande louve se découvrit, perchée au sommet du temple. D’un bond furtif et gracieux, elle alla à terre, se posant avec délicatesse dans un tapis de marguerites. Sous ses pas, les herbes s’entortillaient en laissant paraître au sommet de leur nœud des fleurs, et des bourgeons, pleins de couleurs et d’odeurs. Elle remua avec grâce son moignon de queue et ses longues oreilles inégales, laissant derrière ce mouvement impérial un petit vent du Sud. Son pelage vert, terminé par des rayures couleur d’orties au bout de ses pattes, se mêlait à la dense végétation.

Kaem esquissa un sourire, et ne tarda pas à faire quelques salutations à la Kadam, mêlant des coups de tête amicaux qu’elle acceptait avec délicatesse et des léchouilles affectives. Karem, car c’était bien elle, ne semblait pas se soucier de ces façons. Elle partit d’un petit rire, semblable à un sifflement d’oiseau.

« Allons, Kaem, ne te montre pas ainsi perturbé. Quel est l’objet de ta visite inopinée ? »

Kaem baissa la tête, essayant de dissimuler toutes ses émotions ; mais visiblement, il était honteux de ce qu’il s’apprêtait à dire. La déesse le mit en confiance d’un coup de griffes amical qu’il refusa avec politesse ; mais il devait bien se résigner à cette décision. Karem semblait attendre sa réponse.

« J’ai reçu les mots du messager céleste. »

Karem semblait perturbée par la nouvelle. Elle attendait avec patience depuis assez longtemps la visite des mots de l’orokami pour ne plus espérer sa venue ; et à présent qu’on le lui annonçait, elle semblait partager entre la joie et la confusion. Le jugement rendu est irrévocable, et elle ne souhaitait pas qu’on nomme la guerre. Et pourtant ...

« Le jugement est rendu, la guerre scindera les clans.
- Pardon ?
- Il ne s’agit plus d’une espèce mais d’une race. Nous devrons nous affronter. »

Karem tenta bien de dissimuler son angoisse, mais elle n’y parvint pas. Elle n’avait jamais pu envisager cette vision de la guerre, où les deux races distinctes parmi les Kadam s’entretuaient pour la victoire de leur propre chef. Laissant échapper quelques larmes de son regard éteint, elle se laissa tomber sur les épaules de Kaem. Celui – ci enfouit son museau dans le cou de la déesse, désolé.

« Je suis navré, Karem. »

Cette familiarité ne dura qu’un instant. Kaem leva son museau humide sur celui de sa sœur d’âme, qui le regardait avec des yeux vitreux et un petit air pathétique. Le dieu lui jeta un regard impartial, ne laissant pas paraître ses sentiments personnels. Le choix, pour lui, avait été fait à ce même moment.

« Mais c’est ainsi. »

...

Le clan des Rochers avait lancé son assaut à l’aube, contre la tribu voisine, qui logeait dans les eaux. La cohabitation entre ce clan de Kadam, restés comme à l’aube de la création, et celui des Kantrom aquatiques, leur était devenu impossible en cet état de guerre imminente. Le soleil était à son zenith lorsque le dernier louveteau des eaux se laissait mourir, la gorge transpercée par un coup de crocs sauvage. Le clan des Rochers resta longtemps là, à boire dans le lac le sang des vaincus, dans une joie ivre. Katym, dans son coin, rongeait entre ses crocs un bout de bois, peu convaincu de cette victoire trop facile. Le shaman Korum lui jeta un regard troublé, qu’elle lui rendit avec antipathie.

Pourtant, si le shaman n’avait pas accepté de la prendre sous son aile, ce soir de pluie, elle en serait encore à errer dans le bois, sans but de survie ; et peut – être en serait – elle morte d’épuisement. Mais Katym ne le reconnaissait pas, gardant pour elle son affection ; restant tout le temps à l’écart du clan, enfouie dans son pelage d’un mauve lavande, ne laissant paraître que ses courtes griffes en scie, ses deux naseaux, et à l’occasion ses deux yeux de verre. Finalement, elle osa jeter au chef un petit sourire forcé. Korum, de sa patte de bois, lui tapa sur la tête avec affection.

« Dis, Korum ... »

Il était rare que Katym exprime quoi que ce soit, de sa petite voix fluette ; aussi, le shaman donna toute son attention à sa requête. La petite jeta son bout de bois mouillé dans un coin, dans une parfaite lassitude, tout en fixant d’un regard distrait les membres de son clan se disputer pour la patte d’un ennemi. Elle en semblait troublée, d’ailleurs.

« Pourquoi doit – on faire la guerre ? »

Korum se garda bien de donner toutes ces raisons qui ont fait de lui un shaman respecté dans son clan. Il se contenta de prendre sa voix la plus douce et la plus compréhensive, comme celle du père parlant à son enfant ; une petite voix que Katym avait souvent entendu sans pour autant la considérer comme telle. Il lui expliquait de son calme impérial la naissance du chaos, de Kowam et Kybom, de la naissance de l’île et du peuple, du rôle de chaque animal dans une guerre prédestinée. Et Katym l’écoutait, avec la plus grande attention, sans comprendre. Finalement, le shaman se releva, dans sa posture impériale et boiteuse sur sa patte de bois.

« Ma petite, il n’y a aucune raison véritable de faire cette guerre. Mais, si nous la faisons, c’est parce que nous sommes destinés à la faire, et nous le savons. Mais la seule chose que nous ne savons pas, c’est ceux qui en ressortiront vainqueurs. »

Un son de trompe retentit. Le chef du clan, posté sur le rocher le plus haut, avait sonné contre la pierre le rappel. Tous les membres, la panse pleine et le pelage teint de rouge, un rictus de fierté illuminant les figures, se réunirent autour du maître. Seul Katym se déroba à ce devoir qui l’attendait, s’évadant dans les fourrées. Derrière elle, la terre tremblait faiblement, crevant les cailloux fragiles et les jeunes pousses.
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptyWed 23 Jan - 21:57

Chapitre 5

Les signes annonciateurs de la guerre se manifestaient parfois dans les éléments. Au beau milieu de l’automne, ce fut donc une neige épaisse qui se déposa sur la plage et les bois, tandis qu’un vent chaud soufflait sur les montagnes isolées, autour des territoires sacrés des dieux. L’océan aussi fut touché par ces évènements, causant divers courants marins où s’égaraient poissons, crustacés, et animaux des grands fonds, survenus du fond des âges. Le coelocanthe continuait tranquillement sa progression, d’une nage rapide et paisible, laissant derrière lui une fine écume.

Au – dessus de l’eau, dans un petit îlot de terre oublié où se disputaient la place palmiers sauvages, rochers et marées, les grands chefs Kewatem se délectaient autour d’une bonne pêche. Le grand shaman prédisait la « colère des fonds marins » ; aussi préféraient – ils tous rester à l’écart sur ce petit refuge, en savourant le produit de la mer, rendant aux abysses les derniers restes des poissons malchanceux, dévorés en quelques coups de crocs habiles. Le chef de guerre se laissait bien convaincre que c’est dans ce domaine sous – marin que Khom irait chercher ces modestes offrandes. Mais Khom avait d’autres choses à faire, que de s’occuper des malheureuses carcasses de poissons.

D’une patte délicate, Kisuim s’emparait de cette modeste nourriture, la scrutant sous toutes ses formes avant de lécher, de sa petite langue de loutre, les quelques restes de chair restés accrochés au squelette. Lorsqu’il vit que cette pluie inattendue de poissons s’acheva, il rebroussa son chemin vers la plage, en quelques mouvements de brasse maladroits, presque machinaux. Il ne se soucia de rien, ni de ses algues sauvages qui vinrent s’accrocher à son pelage raide en salissant cette atout d’une couleur de crème, ni des coquillages qui restèrent contre ses courtes griffes.

...

Keremiram, le vieux shaman des Kewatem, faisait toujours sa petite ronde sur le bord de mer, récoltant au passage des petits coquillages aux formes diverses et variées qu’il filait soigneusement sur de petits rubans de coton, au bout de son vieux bâton. La mer battait contre ses pattes maladroites, usées par la force de l’âge qui se discernait sur ses longs poils d’un bleu terni, qui retombaient en crinière sur ses vieux membres. Et ce jour – là, au loin, une grande tâche rouge dans laquelle se détachait une petite forme indéfinissable, comme de la crème. Un mauvais pressentiment lui chatouillait le bout du museau, et dans une marche rapide, battant le sable de sa canne, il alla vers cet intrus.

Lorsqu’il y parvint, le vieux Keremiram, malgré la force et la sagesse de l’âme, eut du mal à retenir un cri confondu. C’était bien ça, au milieu de cette grande mare de sang creusée dans le sable, où coulaient les corps inanimés de Kenam innocents, un animal d’un pelage de crème, emballé dans quelques rubans de papier qui lui masquait l’œil et ses membres endoloris ; et qui se contentait de fixer le sol dans une neutralité parfaite, laissant contre son corps les traces de griffes et de crocs ensanglantés, marqués dans sa chair. Le shaman lui jeta un simple grognement d’antipathie.

Et l’autre le fixa, parfaitement indifférent, pendant quelques secondes interminables, où le mage ne sut que faire, ou que dire. Finalement, l’autre fit un pas, maladroit et tremblant, dans une marche presque mécanique. Keremiram ne put que reculer, quelque peu effrayé. Le Kenam de crème lui tendit la patte faiblement, réclamant presque quelque chose que le shaman ne comprit pas. Et pourtant, il la serra entre ses griffes, en laissant quelques marques de regret dans son sourire.

...

Ca faisait si longtemps, que le vieux shaman en avait perdu la notion du temps. Comme à l’accoutumé, en cette journée d’automne, il faisait le tour sur la plage, laissant l’écume frotter son pelage charbonné et enfonçant pas à pas sa canne dans le sable tiède. Un sable d’une blancheur comparable à la neige, parfois immaculé dans son étendue de lait de coco perdu ou d’une feuille de palmier arrachée à son arbre. Il tourna la tête, en semblant questionner le vide à ses côtés.

« ...
- Mahro ? »

Bien sûr, pour quelconque Kenam, ce ne serait qu’un trou dans l’air où s’engouffre l’air salé de la mer. Et pourtant, il y avait une présence invisible, imperceptible, imprenable et intouchable. Il semblait acquiescer à cet intrus, et même lui parler en quelques grognements étouffés. Et finalement, il reprit sa canne et continua tranquillement sa marche, peu perturbé par cette « discussion » que personne n’aurait pu discerner, et aurait considéré comme la maladie d’un vieux fou. Une tâche de crème dessinée dans la marée attira son attention.

Dans sa petite posture de phoque, qui le caractérisait, Kisuim se délectait des dernières traces de poisson sur ses pattes, en les léchant minutieusement d’un mouvement assez maladroit. Il posa un regard empreint d’une certaine curiosité sur le shaman, qui lui répondit d’un sourire amical en lui tendant une petite anguille, qui sentait encore la mer. De cette petite maladresse, le jeune le prit entre ses crocs en adressant un petit sourire reconnaissant à Keremiram. Une petite pluie froide commençait à tomber sur la plage de l’île.

...

Perché dans son grand palmier, Khom assistait avec un grand intérêt au combat que se livraient deux rivaux. Le feu puissant de l’un transformait en buée les sillons d’eau de l’autre. Chacun s’acharnait à pouvoir passer les défenses de son adversaire, d’une manière ou d’une autre. Le dieu prit entre ses pattes une gourde de cidre, l’avalant d’une pleine gorgée, considérant ce spectacle comme un divertissement. Une forme invisible se dressa derrière lui.

« Alors, Khom ?
- Alors, Kairm ? »

Le dieu marin rendit un sourire narquois à la déesse, qui apparut dans toute sa splendeur. Repliant ses ailes noires contre son pelage d’un bleu de crépuscule dessiné par de grandes tâches de bronze et de grandes griffures d’une couleur de pluie, elle se percha aux côtés de son compagnon, redressant derrière son oreille sa longue frange. Elle lui adressa un regard vexé, tandis que Khom continuait d’apprécier le combat sous ses yeux. Finalement, perçant d’un dernier jet d’eau la barrière enflammée de son ennemi, le Kewatem sauta sur son adversaire, serrant ses pattes contre ses côtes. Et, dans un dernier cri de douleur, l’autre sentit bien les crocs de son vainqueur contre sa gorge.

Khom prit une dernière gorgée de sa boisson, puis il se décida à donner de l’attention à sa sœur. Elle poussa un soupir mécontent, en secouant ses ailes d’une manière inquiète. Comme le dieu semblait s’en inquiéter, elle lui fit part de ses soucis. Il éclata d’un rire sourd.

« Et c’est pour ça que tu t’inquiètes ? Voyons, cette guerre est programmée, et ces pions principaux également.
- Je sais, mais il s’agit tout de même de ...
- Je le sais. Quant à moi, j’ai trouvé mon cocon. »

Kairm pencha la tête d’un air questionneur. Le dieu posa son doigt contre son museau pour lui donner le silence, toujours aussi mystérieux. Et finalement, après une minute de silence où les deux semblaient se comprendre en silence, la déesse des airs reprit la couleur du ciel et s’envola en quelques battements d’ailes, pour disparaître dans le crépuscule du ciel.
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptyWed 23 Jan - 21:57

Chapitre 6

Le signe de la Convocation arriva enfin. C’était quelque chose que chaque maître de clan attendait avec impatience, un son reconnaissable parmi tant d’autres, unique, fort et bref, qui devait sceller à tout jamais la période de paix sur l’île. On pourrait le définir comme un son de cloches qui s’entrechoquaient avec force contre une même batterie, qui résonnait avec leur carillon. Cela ne dura l’espace que d’un instant, mais chacun des Kenam témoins de cette mélodie étrange le reconnurent.

Sur le carreau du Ciel, les dieux se préparaient à une dernière assemblée. Chacun portait un regard accusateur sur son voisin, sans oser dire un mot. Seul Khom semblait prendre cette réunion avec un calme impérial, prenant des notes sur un cube d’argile du bout de la griffe. Finalement, Karem rompit le silence d’un soupir, et se décida à prendre la parole. Elle se leva de sa place avec une sorte de pressentiment, de ceux que l’on redoute sans savoir de quoi l’on doit avoir peur.

« Dieux, voici la dernière Assemblée Céleste à laquelle nous sommes convoqués. Le signe de la Convocation vient de sonner à l’aube, pour tout notre peuple sur la terre, et nous savons chacun qu’à la suite de cette guerre, qu’elle qu’en soit l’issue, nous devrons céder notre rang à notre cocon. »

Ces derniers mots firent leur effet sur le conseil des dieux. Khom retint entre ces dents un petit ricanement. Kairm, lui donnant un coup d’aile pour le faire taire, fusilla du regard sa benjamine. Seul Kaem resta impassible, plongé dans des pensées qui ne regardaient alors que sa personne. Il chuchota quelques mots incompréhensibles entre ces crocs. Qu’importait pour les dieux ; ils lisaient, dans l’esprit de leurs frères, comme dans un livre ouvert, et cette pensée résonnait dans la tête de tous.

...

Ksyam marchait tranquillement dans les sous – bois, fixant avec un redoutable regard de nuit les arbres alentours. Toutes ces jolies fleurs, qui bourgeonnaient sur les branchages humides des orangers ; elles ne les appréciaient que par leur silence mordant, contrairement à tous ces Kenams bavards et joyeux qu’elle côtoyait parfois, et qui la fixaient d’un œil antipathique, ou même inquiet. Elle s’arrêta devant une petite pierre qui brillait, comme un éclat de lune bleue, avec une petite cavité sur sa hauteur ovale.

Baissant ces ailes, elle l’accrocha entre ces quelques plumes blessées, parmi les autres bibelots amassés qui faisaient tout son monde à elle, couvrant les deux protubérances osseuses qui ornaient son dos ; puis elle reprit sa marche à cette même allure tranquille, sans aucun retard, se délectant de la solitude glaçante des lieux. Joyeusement, non. Ksyam ne savait plus être joyeuse depuis longtemps.

C’est alors qu’un son perçant résonna dans son oreille. Cela ressemblait à des grelots, de grands grelots sur un bâton de pluie, qui se retournait lentement dans un bruit de craquements réguliers. Ksyam leva les yeux sur le ciel, regardant les nuages sombres de l’orage s’amasser autour du soleil, et retomba sur ces quatre pattes. Le temps semblait s’arrêter dans « son » monde.

...

Kem, face au reflet de la rivière, réfléchissait. Dans l’eau claire, ce n’était pas son image qui apparaissait, mais bel et bien son ombre, cernée d’un sang rouge qui s’étendait dans le courant tumultueux, avec deux grands yeux transparents dans lesquels passait les poissons. Ce n’était pas lui, c’était son démon ; et, d’un geste furieux mais attristé, Kem donna un grand coup de patte dans ce reflet mensonger.

Mais alors, un bruissement retentit dans son oreille. Un son lointain et étranger, qui ressemblait à de la pluie. Une pluie grasse et sèche, qui retentissait en écho en atteignant le sol, dans son esprit, avec grâce et légèreté. Il fixa le ciel. Les nuages orageux s’aggloméraient sur le soleil. Kem sentait quelque chose s’échapper de son corps, comme si plus aucune notion de temps ne réagissait sur ces pensées.

...

Kalom, blotti contre son nuage, réfléchissait. Il réfléchissait à toutes ces raisons qui l’avaient poussé à descendre sur la terre, lieu sacré des Kadam, et qu’il n’avait pourtant jamais voulu franchir. Et pourtant, c’est comme si une force opposée cherchait à l’y attirer. Et il pensait également à ces deux Kenam, si différents, qui avait croisé son destin. Il poussa un petit soupir en levant sur l’orage qui se préparait un regard plein d’espoir.

« Maman, si tu es là, qui que tu sois, réponds – moi ... »

Il étira ces lourdes pattes vers le ciel de crépon, si lointain, qui commençait à se déchirer sous les coups fracassants du tonnerre, et qui menaçait de le découper. Mais seul l’écho de sa voix, mêlé à cet étrange son familier de rudes cloches, l’une contre l’autre, lui répondit. C’était comme si quelqu’un, au – delà des frontières du monde, l’appelait. Un visage indistinct lui semblait se dessiner dans le ciel grisonnant. Et il lui répondit, d’une voix toute pâle.

« Attends – moi, Maman. J’arrive. »

...

Sur le carreau du Ciel, l’assemblée se finit dans un court silence, dans lequel les dieux se dévisageaient avec impassibilité. Finalement, posant sa bouteille de cidre dans un trou de ciel, Khom termina de noter le compte – rendu de la réunion avec une visible satisfaction. Kairm le dévisageait d’un regard tremblant, tandis que les dieux Kadam prirent congé par le grand escalier. Le dieu marin posa des yeux accusateurs sur sa sœur.

« Qu’y a – t – il ? Khom ? »

Khom lui répondit par un petit sourire narquois, en tassant tranquillement le compte – rendu parmi les autres plaques qui formaient le carreau du Ciel. Les deux gravures de cuivre commencèrent à coulisser dans la structure, et prirent peu à peu la brume des cieux dans leurs lettres. La déesse regardait ce manège et reprit sa question.

« Je connais ton petit jeu, tu n’es pas aussi saine avec ton cocon que tu veux leur faire croire.
- Je le sais, mais ... Je ne suis pas seule coupable dans cette assemblée. N’est – ce pas ? »

Kairm poussa un petit soupir, en regardant l’air coupable de son frère, qu’il tentait vainement de dissimuler à sa sœur. Il savait qu’il ne pouvait pas lui cacher quelque part de ces sentiments ; ils étaient étroitement liés. Khom acquiesa d’un signe de tête sur les propos de la déesse. Sur son air accusateur, il ajouta un petit mot d’une voix tremblante.

« Désolé. »
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptySun 27 Jan - 22:20

Chapitre 7

La plage, ce soir – là, était le théâtre d’une étrange assemblée. L’ombre qui dévorait les eaux, s’échappait de ce sillon aquatique, et prenait peu à peu vie sous les reflets d’une lune argentée, bien ronde, crevée de multiples sillons. De ces reflets de ténèbres s’enfuyaient les silhouettes tordues et indistinctes de Kenam, le regard rougeâtre, le pas léger, qui prenaient place dans un cercle de sable noir parmi les grains blancs. L’un d’eux, posté comme un Kantrom, secouait un petit sablier de verre.

« C’est l’heure. »

La voix résonnait dans la tête des membres de l’assemblée. Chacun, comme un écho à son précédent, répétait la même chose à un rythme régulier, leur souffle froid comme buée dans l’air de la nuit qui s’étendait.

« C’est l’heure.
- C’est l’heure !
- C’est l’heure ... »

Finalement, le Kenam au sablier posa le regard au centre du cercle. Là, sous le visage contemplateur de la lune, le dernier créateur apparut devant les yeux impatients des ombres, dans son impérial armure d’un marbre doré. Comme Kadam, il approcha d’une petite part de ténèbres qui ne sortait des flots, rompant le cercle. Les ombres sifflaient et maugréaient quelques mauvaises paroles à l’égard de cette petite chose qui se débattait dans l’écume.

« Tue – la.
- Tue – la !
- Vas – y ...
- Tue – la. »

D’un seul coup, se dressant tel un Kantrom, dans une majestueuse posture, il poussa un grondement sauvage que les ombres s’empressèrent de faire écho. Et, en quelques secondes, sous un coup de pattes meurtrier, la petite chose disparut dans le vent. De même, le maître de cette assemblée commençait à se dissoudre. Il adressa un simple regard à ces sujets, et alors que son esprit commençait à partir dans les vents, il leur adressa quelques mots. Ces trois mots, seulement, qui s’avéraient déterminant sur les espoirs des ombres.

« Surveillez le temps. »

Après cet étrange assemblée, le Kantrom d’ombre scruta son sablier, qui recommençait à couler dans le sens inverse, dans un bruit de pluie gracieux. Et les ténèbres reprirent leur forme sous le sable, dans l’écume et les remous de l’eau contre la côte, comme si rien ne s’était passé. Pourtant, pour le dieu qui veillait cette nuit – là derrière le regard de la lune, ces quelques minutes avaient été décisives sur le destin des Kenam. Et il le savait.

...

Le lieu où les Kenam avaient été convoqués ne ressemblait en rien à quelque chose de réel. Le décor sauvage n’était fait que de ronces emmêlées, qui partaient dans tous les sens ; l’une d’elle formant le ciel qui s’étendait dans ces racines, d’une moisissure mauvâtre. Le sol semblait tout fait de marbre, incrustés de gravures qui représentaient diverses scènes de l’Histoire ; immenses blocs de pierre qui consolidait la terre sous leurs pas. Kalom et Kem, réveillés dans cet espace étranger.

« Où sommes – nous ?
- Vous êtes sur le carreau du Ciel. »

Les deux Kenam se retournèrent. Au – dessus d’un grand escalier de glace et de plumes, installés dans leurs dorures, le conseil des dieux étaient réunis. Kaem poussa un grognement peu convaincu à la vue des deux loups, ce qui fit la satisfaction de sa sœur déesse. Abrégeons. Kairm se leva de son siège et prit la parole, d’une voix impériale qui fit taire la curiosité des jeunes Kenam.

« Si vous êtes ici, sur le carreau du Ciel, et domaine des dieux, c’est pour une bonne raison. En effet, car c’est votre choix qui déterminera les tranchants de l’inévitable guerre qui nous oppose. »

A ces mots, les deux Kenam frémirent. C’était comme si une chaleur inconnue venait de leur sortir du cœur, et que d’un seul coup, tout le froid du monde serait venu se réfugier dans leurs corps. Ils tremblaient de ces propos sinistres sur l’optique de la guerre, et qui paraissait donc inévitable, à présent. Kairm esquissa un sourire.

« Vous avez été désignés comme les cocons des dieux.
- Les cocons ? C’est quoi ? »

Khom détourna le regard sur un morceau du carreau, qui commençait à étendre ces ronces loin de son décor de plumes. On lisait facilement dans son regard le ravissement de la venue ; lorsque, dans le mur de crépon, la forme indistincte d’un Kenam commençait à entrer dans les lieux avec des battements de pattes, pour tomber sur le sol marbré. L’apparition de Kohakum laissa éclater la fureur du dieu de feu, qui donna un coup de patte dans son siège. Le coton crevé alla mourir dans le ciel mauve.

« Qui a autorisé la venue de ce Kenam hautain ? »

Kohakum, la haine dans le regard, adressa une grimace au dieu. Khom lissa ces moustaches d’un air serein, dans la confusion générale. Karem se leva à son tour de son siège, essayant d’éclaircir la situation entre ces frères. Le dieu d’eau, finalement, prit la parole.

« Il était à comprendre, mes frères et sœurs, que Kohakum est ... »

Kaem ne le laissa pas finir. D’un geste rageur, il donna un coup de griffe dans l’estomac du dieu. Celui – ci fondit en eau liquide avant de reprendre ces formes, visiblement déboussolé par la colère de son frère ; lui, d’un habituel si calme. Kairm, d’un grognement, fit peser le silence.

« Qu’importe les raisons qui ont poussés chacun de nous à choisir un cocon, car cela n’influencera en aucun cas la guerre préprogrammée qui a été décidée par les dieux supérieurs, il y a longtemps. Nous devons nous en tenir au dernier paragraphe de la Prophétie d’Argent, c’est tout. »

Kaem, dans un grognement rageur, se rassit sur son siège, tandis que Kohakum prit tranquillement place près des deux autres Kenam perdus dans le flot de la situation. Karem donna un coup de patte dans le sol marbré, faisant tomber un cube, et activant un étrange mécanisme, au bout duquel une autre pierre ancienne, pleine de gravures, s’échappa dans les mâchoires de la déesse.

« Le dernier paragraphe de la Prophétie d’Argent, disait Kairm, parle des cocons de nous, les demi – dieux, et de notre succession après la période de guerre. Celle – ci était donc inévitable, inscrite depuis longtemps dans notre destin. Ecoutez – moi attentivement, jeunes Kenam, car c’est à l’issue de cette guerre que vous devrez prendre le rôle de dieu à la place de votre dieu – mère. »

...

Après la naissance des demi – dieux, Kowam et Kybom prirent un long sommeil comme statues devant leur face du temple, chacun protégeant l’empreinte de Kenamia qu’il s’était attribué. Avant leur départ, Kowam donna quelques indications à ces enfants. Il leur dit que, à chaque solstice d’hiver, les demis – dieux devraient prendre corps avec la cendre et muer, donnant une partie de leur pouvoir à celui qu’il aurait choisi comme cocon. Au – delà de la guerre programmée de Kowam et Kybom, ces cocons renaîtraient de leur sang, afin de prendre leur rôle de dieu.

Kybom répéta la chose à ces propres enfants. Et Kowam et Kybom leur firent tous deux la même recommandation ; de bien choisir l’esprit auquel les pouvoirs serait attaché, sous peine de consumer l’âme de son possesseur. Kaem et Karem promirent à Kowam, Kairm et Khom promirent à Kybom. Chacun donna un sac de cendres à chacun de leur enfant avant de partir. Chacun mélangea son sac de cendres avec son frère, et s’y roulèrent, pour prendre définitivement la mue qui déciderait de leur temps de règne.

...

Kairm remit soigneusement la pierre dans son mécanisme, tandis que chaque Kenam dévisageait son dieu avec perplexité. Seul le regard de Kohakum se porta sur le dieu d’eau, qui le lui rendit avec une grande amabilité. La déesse des airs fixait Kalom avec un peu de regret, qu’elle ne lui laissait pas paraître. Finalement, Karem se décida à prendre à son tour la parole.

« Demain, la guerre aura lieu. Trois jours, seulement, pour décider de l’issue de cette bataille. Sachez qu’en aucun cas, vous cocons, n’êtes obligés de participer à cet acte. Suivez votre cœur et faites ce qui vous semble bon pour votre avenir, et celui de votre futur peuple. A demain. »

Les Kenam, encore déstabilisés par les propos de la légende, saluèrent d’un pas gracieux et longèrent l’arc – en – ciel pour descendre le carreau du Ciel. De même, les deux dieux Kantrom prirent congé. Kaem posa un regard accusateur sur sa sœur, qu’elle traduisait très bien.

« Je n’ai peut – être pas été aussi honnête que l’a été Khom.
- Je n’en doute pas, chère sœur. Mais sache que la guerre engage nos races, j’y crois toujours.
- Mais ... »

Kaem se leva de son siège et s’apprêtait à prendre congé. Sa sœur lui attrapa la queue entre ces crocs, et le regarda d’un air navré. Le dieu de feu s’y déroba sans crainte. On lisait dans son regard de la grande sagesse, aussi grande que le doute qui commençait à l’envahir.

« L’avenir de la Terre dépend de ton cocon, et de personne d’autre. Ne mets pas les autres dans ton propre piège. »
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptyMon 28 Jan - 21:56

Chapitre 8

Le matin de la guerre arriva enfin. Un de ces jours tant redoutés, qui sera enduré avec douleur, et peut – être oublié aussitôt. Les deux armées, enveloppés dans les antiques armures de leurs ancêtres, les gants de bronze aux pattes, les lances de fer entre les doigts. Au – dessus de la grande crique, ces deux clans se fixèrent, chacun la détermination dans son regard.

...

Dans le temple sous – marin, les plus hauts gradés de l’armée marine se préparaient enfin ; ils lustraient leur queue écailleuse, enfilèrent leurs armures de diamant, et préparèrent une dernière fois leur salut devant leur chef, le plus grand titre que l’on pouvait accorder à un Kenam ; le dieu. Un vieux Kantrom, chef dans les positions de l’armée, vêtissait Kohakum d’une des plus belles parures de guerrier, qui sentait encore le sang coulant dans leurs exploits. Le loup poussa un déglutissement de dégoût.

« Allons, ne fais pas ton modeste. »

Khom, entré avec une légèreté, salua rapidement le chef d’armée, qui s’inclina avec le plus grand respect. Kohakum fixait ces murs de verre transparents, maculés de sable aux couleurs rougeâtres, et ne put retenir un grognement dégoûté. Le dieu, avec une grande rapidité, prit le cou du loup entre ces pattes en serrant son étreinte.

« Ne fais pas de choses inconscientes, toi. J’ai sauvé ton esprit, tu as une compensation à me remettre. »

Le dieu lâcha son impitoyable étreinte, laissant là un Kantrom déstabilisé par les violences de son maître, et un Kadam désespéré qui regardait s’éloigner la silhouette gracieuse de Khom avec une grande haine qui le rongeait. Il semblait deviner dans son regard que cette dette que le dieu lui reprochait, il ne l’avait pas demandé. Au dehors, sur un petit îlot flottant, la déesse des airs semblait parler du regard à son frère.

« Je te connais. Tu n’aurais pas accepté l’intrusion d’un étranger au sein de ton clan, sans raison.
- Sans doute. Mais je sais que je n’aurais pas à regretter ma manœuvre. »

...

« C’était il y a deux ou trois mois. A l’époque, la plage était encore sans bruits, et la mer sans éclats. Nous étions tous bien loin de cet optique de guerre qui menaçait les clans, et qui, aujourd’hui, nous semble tellement proches. L’océan rejette parfois des débris dont il n’a plus besoin, et parfois d’autres de ces ordures dont nous avons, sans le savoir, la nécessité dans notre cœur. C’était, ce jour – là, ma propre nécessité que je remettais en cause.

Il y avait là, parmi les arcs échoués sur la grève, le corps inanimé de ce jeune Kadam. Le corps d’un mauve tout terne, le museau déchiré, qui crachait et se noyait dans son propre sang. C’était un spectacle pitoyable, et je fixais dans le ciel les vautours qui attendaient sans doute sa mort inévitable. Mais pour moi, il n’en fut pas ainsi. C’est alors qu’il leva son regard sur moi. Un regard d’ambre, désespéré, et presque quémandeur, qui semblait simplement me demander d’achever ces souffrances.

« S’il – te – plait ... »

C’était une voix toute frêle, presque inaudible, qui avait résonné dans ma tête à ce moment – là, et qui me demandait tout simplement la paix. Et je savais alors qu’à partir de cet instant, son esprit me serait entièrement dévoué ; et j’avais l’intention de l’utiliser comme tel. J’ai donné une part de mon esprit à mon cocon, et les traits de cette appartenance se dessinèrent dans sa chair. De grandes touffes de poils beiges, comme des runes, qui le cernaient. Et d’un coup, sa présence disparut. J’eus juste entendu sa voix dans l’air, faible mais heureuse.

« Merci. »

J’avais compris. En lui donnant une partie de mon âme, la sienne, trop faible, avait perdu l’esprit auquel elle s’était attachée. Mais ceci ne changeait en rien mes plans. J’eus donc décidé de donner à cette part de moi – même un nouveau nom. Et bien sûr, ce nom fut celui de ...

- Kohakum. »

...

Kem regardait les armées se dévisager, sans un sourire, sans une antipathie, seulement de la loyale détermination face à l’ennemi. Lui ne comprenait pas les intérêts de ces clans à se combattre, provoquer de la douleur, juste pour le goût du sang qui coulait dans leurs veines s’échapper entre leurs pattes nues.

« C’est toi qui pense ça, petit Kadam ? »

Le jeune loup se retourna. Derrière lui, Kaem contemplait à son tour l’étrange spectacle de ces armées, qui attendait le signal de leur clan pour lancer l’assaut. Certains chefs ne pouvaient s’empêcher de pousser des mises en garde, hurlements sonores qui résonnaient comme un écho dans le ciel orageux. Le dieu semblait se délecter de ce spectacle, retroussant les babines avec une grande fierté. Kem, quant à lui, était tourmenté par une question tout autre.

« Dites, monsieur le dieu ...
- Je suis ton égal, à présent.
- Pardon, Kaem ... tu sais pourquoi j’ai un démon dans mon corps ? »

Kaem perdit d’un coup le sourire qui éclairait son visage pourpre. Il détourna le regard sur le sol, échappant au regard questionneur du jeune loup. Kem, lui, espérait toujours que le dieu pourrait enfin lui apporter une réponse à cette existence solitaire. Finalement, Kaem prit son air le plus calme, et se décida enfin à éclairer la lanterne du Kadam.

...

« Il y a deux ou trois ans, tu n’étais encore qu’un petit orphelin. Ce qui est arrivé à tes parents n’est qu’une folie, un poison dévastateur qui embrouille l’esprit jusqu’à vous perdre dans la confusion. C’était un mal étrange, venu d’on – ne – sait où, ronger leur vie, et peut – être la tienne, si je n’étais pas intervenu.

Le devoir d’un dieu est de donner une partie de son âme, une partie obscure qu’il garde enfouie au fond de son cœur, dans l’esprit de son cocon. Seulement, lorsque je t’ai attribué cette part de moi – même, j’ai sous – estimé la folie qui te rongeait alors. Je ne sais ce qui a pu se passer en toi, quelque égarement, que sais – je ? Ton esprit n’a pas capté ce morceau d’âme que je te cédais. Cette âme a grandie avec toi, avec l’âme qui t’était propre, tel ce démon que tu crois être.

Kem ... Je suis désolé. »

...

Au coeur de la faille, celle qui avait scindée la Plaine des Astres, les deux clans se préparaient à la guerre ; dans cette immense crique obscure, au - delà du regard des dieux, le dernier acte d'une guerre allait enfin pouvoir se déclarer. Finalement, chaque messager sonna le cor, un son propre à son espèce ; et les armées descendirent en bandes régulières dans les profondeurs de la faille terrestre. Chacune de ses armées, bandées d'armure de bronze ou de cuivre, donnait un coup cruel et sans calcul dans le poitrail de son ennemi, ne sachant plus qui décimer. Et bientôt, ce fut chaque race qui s'entretuait, au milieu d'une flaque de sang qui continuait, à chaque cri, de prendre du volume. L’un Kantrom donnant un coup de lance dans le poitrail de son frère, l’autre Kadam déchiré par les flammes de son compagnon.

« Quel spectacle pitoyable ... »

Au - dessus de ce spectacle affligeant, Kaem songeait sur les décisions à prendre. Cela n'échappa pas aux yeux empreints de nervosité de sa soeur, qui le questionnait du regard avec une certaine impatience. Le dieu de flammes se contenta de pousser un soupir en secouant son large museau. A ces côtés, le petit démon observait les conséquences de la guerre, paysages sans couleur, avec une satisfaction folle.

De l’autre côté, Kalom et Kohakum regardaient le résultat de la guerre avec des expressions figées dans un certain dégoût. Chacun, parmi eux, se sentaient coupables de ne pouvoir agir dans cette guerre éclatante qui déchirait les clans avec tant de rage. Personne, ni même un fou, ni même un dieu ; personne n’aurait pu s’opposer à la chute de corps défigurés, à l’évasion d’âmes torturées, et au sang décoloré qui faisait flot sur le reste.
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PostSubject: Re: [Fan Fiction Kenamia] Kikusam   [Fan Fiction Kenamia] Kikusam EmptyWed 20 Feb - 17:37

Chapitre 9

Dans les combats solitaires, au milieu de la poudre de la guerre, les crocs se mêlaient aux lames. D'un coup solide, un soldat Kantrom tout dévoué à cette noble cause, planta net son épée de rubis dans la gueule béante de son adversaire. Le Kadam agrippa, dans un dernier souffle, le poitrail de l'ennemi, l'emportant dans sa chute. Plus personne ne fit attention à ces deux cadavres, finissant leur vie terrestre dans la crique, le champ de bataille. Les scènes se déroulaient ainsi, avec une parfaite monotonie, devant le regard des dieux. Perchée sur son trône, la déesse Kairm observait cela avec un certain amusement.

« ... Madame la déesse ? »

Kairm, d’une parfaite indifférence, posa le regard sur l’impertinent. A ces pattes, Kalom semblait hésitant à avouer ce qui le tourmentait. La déesse lui paraissait sourire, avec une gentillesse dédiée à un confident, ou à un enfant. Elle posa ces yeux glacés sur le ciel grisonnant, au loin. Quelque chose d’hypnotique, dans sa voix, quelque chose d’impérial, attirait son attention. Kairm ne s’en soucia pas.

« Là – haut se trouve le grand Palais Céleste. C’est ici que les âmes reposent, après avoir rempli la fonction qui était propre à chacune d’elles. Elles y sommeillent, figées dans de grands losanges de verre, sans se soucier de la faim et du froid. Il est très agréable d’y mourir ; on sent une grande chaleur nous envahir, nous consumer, et pour toujours. Il est des choses dans ce monde qui nous sont parfois inexplicables, mais qui nous sont bonnes et utiles. »

La déesse posa à nouveau son regard sur la crique, où la guerre continuait à exercer son acte terrible. Kalom sentait un vent froid autour de lui, quelque chose d’inexplicable, et qui le perturbait. Kairm semblait s’en ravir, et continua.

« Mais pour ceux – là, qui se souillent dans leur propre sang, c’est différent. Ils ne meurent pas par le destin, mais par la folie. C’est une chose inexplicable, qui nous poussent à faire des choses que notre destin n’a pas voulu. Et alors, la mort y est une errance. Pour ces centaines de soldats, il n’y aura pas de sommeil dans les losanges de verre du grand palais, il y aura seulement le froid, la faim, et l’éternité. »

Elle poussa un petit soupir de regrets.

« Nous, les dieux, ne devrions pas mériter notre accès au grand Palais Céleste. Nous donnons une part d’éternité à l’âme errante de ces soldats, et cela suffit à nous soumettre à la même peine ... Mais ceci ne pourra être décidé qu’à l’issue de cette guerre. C’est en partie pour cela que nous suivons cette destinée. Cela pourrait paraître égoïste ... »

Elle se tut. A l’entrée du temple, un soldat venait d’entrer, suivi de quelques compagnons de guerre aux ailes fendues, aux corps déchirés, qui s’épuisaient à s’accrocher à leur existence. La déesse reprit son sérieux impérial en les regardant. Elle posa ces deux pattes sur chacun de ces corps, silencieusement. Certains ne purent que tomber d’un seul coup, comme paralysés, leurs yeux blancs fixant le vide au – dessus d’eux. Finalement, elle sourit.

« Suivez – moi, je vous prie. »

...

« Tu sais, Kaem ... »

Le dieu de feu détourna son regard de la bataille. La jeune déesse, hésitante, ne savait pas comment présenter sa nouvelle, sur son choix quant au dernier paragraphe de la Prophétie d’Argent. Kaem semblait plus perturbé par les mensonges de sa sœur, elle qui se montrait la plus franche face aux différentes mentions du protocole ; son regard coupable pesait dans sa conscience, non pas en tant que dieu, mais en tant que frère. Quant aux raisons de son silence ...

« Je ne suis peut – être pas aussi innocente. Khom s’est montré d’une grande franchise sur son choix, et pour ma part ... »

Kaem semblait sceptique. C’est alors qu’arriva un soldat, s’inclinant respectueusement devant ces dieux. Derrière lui, dans l’ombre, la silhouette malhabile d’un Kadam se dessinait. On voyait les pattes du dieu de feu se crisper autour des branches de son trône ; c’était un Kantrom qui se présentait devant le temple de Kowam, menotté par les fers posés du Kadam, et par l’autorité des deux dieux. Karem salua son sujet, un peu mise mal à l’aise.

« Bonjour, Kisuim. »

Le Kantrom, tout penaud, scrutait les faces du temple d’un regard curieux, avec les grandes inscriptions de la Prophétie d’Argent qui avaient, selon les dires des shamans, fondées le monde de Kenamia. Là – bas, sur le mur marbré ouvert aux rayons de lune, la silhouette grossièrement tracé d’un Kadam, face à une brume qui faisait l’image de son dieu. Au centre, entre les deux trônes de cuir, une grande gerbe de flammes s’éleva dans une danse ténébreuse et imposante. Kaem en surgit en grondant sévèrement.

« Karem ! »

Le démon détourna son regard de ces occupations, observant la colère calme du dieu enflammer les portes du temple. La présence de ce Kantrom, lié par l’esprit à la déesse, aux seins du domaine sacré de Kowam l’avait sorti de son placide règne. Les anciennes toiles de vie, qui liaient les Kadam et les Kantrom entre eux, se tissaient dans le renouveau de la cause de la guerre ; et les vieilles relations qui avaient unis Khom et Karem se définissaient dans cette action. Kaem manifestait son opposition à ce traité. La déesse soupira et donna un coup de patte léger dans le vide.

« Soldat Kerioum, Kem, veuillez prendre congé avec notre invité. »

Les deux concernés s’inclinèrent et redescendirent les pavés de la crique. Pour ces soldats, au milieu de ce flot de sang et de cette odeur de mort persistant sur leurs pensées, c’était les deux voix de la pureté qui s’avançaient parmi leurs pauvres âmes. Kaem leva les yeux sur ce ciel terne, ce climat morose, en soupirant.

« Notre vie est seulement un grand échiquier japonais, dans lequel chacun de nous est une pièce importante. Nous ne sommes que les pions des rois, dont l’existence est menacée par chaque petit soldat sur les cases d’en – face. Nos cocons ne sont pas simplement les décisions de notre suite ; ce sont des fous chimériques dont toute la disposition de l’échiquier dépend. Choisir sa place dans la stratégie est d’une grande importance dans la partie. »

Son regard d’ambre se posa sur Karem.
« C’est pourquoi la décision de leur rôle n’est pas à prendre au hasard. »

...

Le soleil se coucha enfin sur le champ de bataille. Les coups s’apaisèrent, et chaque soldat victorieux prenait en lui le crâne, rond et vide, de son adversaire. C’était des traditions instaurées par les dieux, c’était des principes peu hydilliques pour qui devait en faire les frais, et s’imposer à la punition du clan adverse. Au sommet de la colline enneigée, surplombant le monde, l’ombre difforme d’une créature observait les derniers soldats de retour, chassant de la patte les corps répugnants, empestés par cette odeur de mort traîtrise. Il semblait s’adresser à la neige qui couvrait ces pas.

« Vois ce que ton acrimonie a fait sur notre région. La concorde qui régissait ici – bas ces lieux s’est brisée, friable comme la perle qui a procrée ta mémoire. »
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